Le chacal et l’homme dupé

16 octobre 2015

Amachahou rebbi ats iselhou Ats ighzif anechth ousarou. 

(Ecoutez, que je vous conte une histoire, Dieu fasse qu’elle soit belle, longue et se déroule comme un long fil). 

La malhonnêteté, la roublardise, la duperie ne datent pas d’aujourd’hui. Leur origine remonte à la nuit des temps comme le prouve ce conte du terroir qui se passe à l’époque où les animaux avaient le don de la parole et communiquaient avec les hommes. 

A la lisière d’une forêt, vivait un homme avec sa femme. Ils sont installés là depuis des années. Quand l’homme eut les moyens nécessaires, il s’achèta une chèvre. La chèvre donna naissance à deux chevreaux. La proximité de « thiz’gi » (la forêt) fait que la nourriture est abondante. « askarchi » (le lierre) dont les chèvres raffolent pousse à profusion. Les chèvres se reproduisent et se multiplient au grand bonheur de l’homme jusqu’à devenir troupeau (thaçarâoufthe ou thaqedhaâithe). Le chevrier (ameks’a n-etghet’en) est heureux. De temps en temps, il vend une chèvre (thaghat’) ou un bouc (aqelouache) pour améliorer son ordinaire. Le coin où il vivait était très paisible, il n’y avait aucun prédateur dans les environs mais un jour tout bascule. Un chacal qui passait par là a repéré le petit troupeau de chèvres. Il appelle aussitôt ses congénères. Une nuit, ils débarquent dans la hutte faite de branchages où sont parquées les chèvres.. Ils en tuent plusieurs qu’ils dévorent. 

Le chevrier ne se rend compte de rien. Ce n’est qu’au petit matin qu’il découvre le carnage. De tout le troupeau, il ne restait que sept chèvres. 

Mais ces sept chèvres sont en danger. 

Le chevrier monte la garde durant plusieurs jours. Il ne se passe rien. Epuisé par les efforts fournis, surtout les gardes de nuit, il tombe dans les bras de Morphée. Un chacal fort astucieux et courageux réussit à pénétrer dans « l’adaynine » (l’écurie familiale) et à subtiliser chaque nuit une chèvre. 

Bientôt, il ne reste plus à l’homme qu’une chèvre. Pour éviter qu’il ne la lui dévore, il l’égorge, la dépèce et recommande à sa femme de rouler du couscous et de l’assaisonner de gros morceaux de viande. Cette chèvre, au moins, il ne l’aura pas. Ce sont eux qui vont la manger. Pour se venger du chacal astucieux, il met la peau de chèvre sur son dos et se rend dans la forêt pour faire semblant de brouter de « l’askarchi » (lierre). Le chacal ne tarde pas à se manifester. Il n’a plus besoin d’aller à l’écurie et courir le risque de se faire attraper, son repas de la journée, c’est lui qui vient à lui. Que demander de plus ! Il se jette sur le chevrier déguisé. Mal lui en prit. Il le saisit par les pattes et se met à le frapper avec un gourdin (adebouz) qu’il avait emporté avec lui à cet effet. Surpris par l’homme, le chacal se met à japper jusqu’à ameuter ses congénères qui étaient dans les environs. Ils lui tombent dessus et le mordent partout. Il n’eut la vie sauve qu’en prenant ses jambes à son cou et en faisant tournoyer autour de lui son gourdin. 

Dans sa fuite éperdue, le chef de meute et mâle dominant lui dit : 

– «Ak’negal limine b-ouchanen 

Our enthets thighet’en idren 

Bekhlaf yhigad’ imouthen ! 

(Si tu nous donnes la viande de ta dernière chèvre nous te jurons de ne plus toucher à une chèvre avant qu’elle ne soit morte) 

– C’est entendu ! C’est entendu !» leur répond l’homme essouflé. De retour à la maison, pour concrétiser la parole donnée, il prend la carcasse de la chèvre et la jette aux carnassiers affamés. Ils se précipitent dessus. En quelques minutes, ils ne laissent plus que les os. 

L’homme rentre chez lui, content. A sa femme qui l’interroge sur le geste insensé qu’il vient de faire il lui dit : 

– Emsefhamagh ak id’sen 

Aouhd’en iyi d’ayen 

Our thetsen thight’en 

Bekhlaf thigad’ imouthen ! 

(Ils m’ont juré de ne plus toucher à mes chèvres vivantes, mais ils les dévoreront s’ils les trouvent mortes !» 

Et il en fut ainsi. 

Croyant avoir mis un terme à la prédation des chacals avec le pacte prononcé, le chevrier s’achète avec ses économies d’autres chèvres mais les chacals continuent à les lui dévorer mais ils innovent dans leur façon de procéder. Avant le pacte, ils dévoraient les chèvres encore vivantes, après le pacte ils les dévorent après les avoir tuées. 

De cette façon, ils ne sont pas parjures, car ils ont tenu parole ! C’est ainsi que le chevrier fut dupé… 

« Our kefount ethhoudjay inou 

Our kefount irden tsemzine. As n-elaïd anetch aksoum tsh’emzine ama ng’a thiouanzizine. » 

(Mes contes ne se terminent comme ne se terminent le blé et l’orge. Le jour de l’Aïd, nous mangerons de la viande et des pâtes, jusqu’à avoir des pommettes rouges et saillantes).

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