
Ali g icher
Un homme avait deux femmes. Il leur acheta du blé de première qualité.
En remuant le grain, l’une trouva un pois chiche et se dit : « Plût à Dieu que j’eusse Pois chiche pour fils ! »
L’autre trouva un ongle et se dit : « Plût à Dieu que j’eusse Ali g icher pour fils ! » Dieu les exauça.
Pois chiche dit à sa mère : « Eh bien, ô ma mère, me voici. »
— « Va-t-en, répondit-elle, je n’ai que faire de toi. »
— « Dieu t’a prise au mot, » repartit Pois chiche.
Ali g icher dit à sa mère : « Eh bien, ô ma mère, me voici. »
— « Va-t-en, répondit-elle, je n’ai que faire de toi. »
Ali g icher reprit : « Je te ramasserai du bois, je garderai les troupeaux, j’apporterai de l’herbe, demande à mon père de m’acheter un troupeau de brebis, je les mènerai aux champs. »
Son père lui acheta un troupeau de brebis; il les faisait paître partout. Un jour, le maître du champ où il se trouvait lui cria après : « Qui va là, fils de Juif? »
— « Je ne suis pas plus Juif que toi. »
— « Eh bien, attends-moi ; si je ne te trouve pas, cette barbe que voici pousse sur le menton d’un Juif. »
Il se dirigea vers Ali g icher : « Que Dieu t’extermine, diable de drôle, où es-tu donc ? »
— « Dieu n’extermine que tes semblables. »
— « Si je te voyais, je te le montrerais bien. » Et, en disant ces mots, il chassait le troupeau devant lui.
Ali g icher s’écria : « Les laisseras-tu, oui ou non? » Le propriétaire du champ les laissa et partit.
Des voleurs vinrent à passer. Ali leur dit : « Permettez-moi de vous suivre. »
— « Que ferais-tu avec nous? lui répondirent-ils, tes jambes ne sont pas plus longues que des épines. »
— « Peu importe, reprit Ali, je veux aller avec vous. » Et il se joignit aux voleurs.
La troupe se dirigea vers une maison : « Ouvrez-moi un passage, » demanda Ali. Les voleurs percèrent la muraille, Ali entra dans l’écurie, passa dans l’oreille d’une vache et leur cria : « Est-ce une vache d’Orient ou une vache d’Occident que j’amène? »
— « Amène toujours, » dirent les voleurs.
Une vieille femme entendit leurs cris, elle se leva, alluma une lampe, passa à l’écurie, regarda partout et s’arrêta près de l’oreille d’une des vaches. « Recule donc, ô vieille, tu vas me brûler, » cria Ali. La vieille éteignit la lampe et regagna son lit. Ali prit une vache, les voleurs la menèrent sur une colline où ils la tuèrent.
Ali leur dit : « Donnez-moi la vessie. » Ils lui donnèrent la vessie. L’enfant courut au ruisseau voisin ; tout à coup on l’entendit s’écrier : « O papa, pardon, pardon, je l’ai achetée, je ne l’ai pas volée. » Les voleurs, croyant à une surprise, prirent la fuite, et Ali emporta la viande à sa maison.
« Donnez-moi un des boyaux, » dit-il à sa mère. Sa mère lui en donna un. Il le porta dans le jardin du roi, et entra dans le boyau lui-même.
La fille du roi le ramassa, et le porta dans un panier pour en faire un ragoût. Quand elle passa au milieu de la place publique, Ali s’écria : « Oh, oh, la fille du roi a volé un boyau, la fille du roi a volé un boyau. » Celle-ci vida sa corbeille, saisit le boyau et le jeta au loin. Un lion le trouva et le mangea.
Ali se mit à parler dans le ventre du lion, « Qui parle ainsi dans mon ventre ? » dit l’animal.
— « Vois ce que tu as mangé, reprit Ali, tu ne l’as pas bien mâché. »
— « Passe par ma gueule. »
— « Ta bave me salirait. »
— « Passe par mon nez. »
— « Ta morve me salirait. »
— « Et par mes yeux? »
— « Voilà une belle proposition, leur chassie me salirait. »
— « Et par mes oreilles? »
— « Leur cérumen me salirait. »
— « Comment me débarrasser de toi ? »
— « Voici comment. A quelques pas d’ici, tu trouveras des enfants occupés à se raser ; moi, je leur crierai : « Fuyez, voici un lion. » Ils abandonneront leurs rasoirs, tu en avaleras un, je te percerai un peu et je sortirai. »
Le lion avança du côté indiqué. Ali s’écria : « Voici un lion, enfants, fuyez. »
Les enfants prirent la fuite en laissant leurs rasoirs. Le lion en avala un. Ali g icher lui perça le ventre.
— « Assez, assez, dit l’animal, tu peux sortir maintenant. »
Ali lui fendit le ventre entièrement et le lion tomba mort.
Le premier passant se dit : « Que Dieu fasse miséricorde à celui qui l’a tué. »
— « C’est ton frère aîné qui l’a tué, » répondit Ali.
— « Où es-tu donc? »
— « Me voici. »
Texte de J. Rivière « Recueil de contes populaires de la Kabylie du Djurdjura »