Histoire des sept filles et de l’ogresse

14 novembre 2019

Il était une fois un homme qui avait une femme : elle lui donna sept filles, puis elle mourut, laissant ses enfants près de leur père. Au bout de quelque temps, celui-ci prit une autre femme. Elle éleva les enfants, mais bientôt elle en fut ennuyée. Un jour, elle dit à son mari : Emmène tes filles et tue-les ; sinon, divorce avec moi, que je puisse m’en aller. Or l’homme aimait beaucoup sa femme. Il lui demanda :

— Comment pourrai-je m’y prendre avec les enfants ?

Elle lui répondit :

— Emmène-les dans la forêt ; là tu pourras les perdre.

— Bon, répliqua l’homme.

Le lendemain, il dit à ses filles :

— Debout, allons faire paître le troupeau !

— Bien, répondirent-elles.

Il les prit avec lui et garda le troupeau avec elles. Mais la plus jeune avait emporté dans sa main un paquet plein de cendres. Quand elle eut quitté la ville, elle ne cessa d’en répandre pendant toute la marche. Ils arrivèrent à un endroit très éloigné ; le père conduisit ses filles sous un arbre et leur dit :

— Demeurez ici jusqu’à ce que je revienne.

Les enfants restèrent là ; il prit le chemin de la maison et les abandonna. La nuit arriva et la plus jeune des filles dit à ses sœurs :

— Debout ! revenons aussi chez nous.

Elles lui répliquèrent :

— Nous ne connaissons pas la route.

— Suivez-moi seulement.

Elle suivit la cendre et arriva bientôt avec ses sœurs à la maison. Elles trouvèrent leur père en train de souper. Il leur dit :

— Je voulais moi-même aller vous chercher.

Elles lui répondirent :

— Nous sommes revenues toutes seules.

Dans la nuit, sa femme lui dit :

— Tu n’a pas conduit tes filles dans la forêt ; tu m’as dit un mensonge : divorce avec moi et reste avec elles.

Il répondit :

— Ce sont mes filles ; pense à ce que je dois faire.

— Je vais y penser.

Alors ils se turent tous deux. Trois jours après elle lui dit :

— Demande des vêtements pour les jeunes filles, puis dis-leur : Venez, allons à une noce. Alors tu les mèneras dans un endroit éloigné où il y a un puits. Quand tu seras arrivé à l’ouverture du puits, jettes-y à dessein ton fez et dis aux filles : Laquelle de vous, petites, m’aime et veut descendre dans le puits pour aller chercher mon fez ? Quand l’une y consentira, enlève-lui ses vêtements, jusqu’à ce que tu les aies toutes fait descendre ; alors prends leurs habits et reviens ici.

L’homme se leva de bonne heure et dit à ses filles :

— J’ai un ami, un Bédouin chez qui il y a une noce ; je voudrais y aller avec vous.

Alors il donna aux enfants les vêtements et les bijoux et les emmena. Bientôt, il arriva à un endroit désert où était un puits. Quand il fut près de l’ouverture du puits, il y jeta son fez, puis il dit aux jeunes filles :

— Laquelle de vous, mes enfants, m’aime et voudra descendre pour me rapporter mon fez ?

La plus âgée répliqua :

— Je descendrai dans le puits.

Son père lui dit :

— Enlève tes habits et descends.

Elle ôta ses vêtements et descendit. Les cinq qui suivaient firent de même avec leurs habillements. Il ne restait plus que la plus jeune. Son père lui dit :

— Les six n’ont pu rapporter mon fez ; toi, tu le rapporteras. Elles n’y ont pas réussi ; ainsi enlève tes vêtements, descends et rapporte le fez.

— Bien, répondit la jeune fille.

Quand elle fut sur le point de descendre, elle jeta rapidement les vêtements de ses sœurs dans le puits avant de descendre elle-même. Son père lui cria :

— Pourquoi veux-tu me tromper ?

— C’est toi qui nous a trompées, lui répliqua-t-elle ; tu nous a chassées à cause de ta femme. Va-t’en d’ici : Dieu nous protégera ; mais toi, va retrouver celle pour laquelle tu nous a chassées.

Après avoir dit ces mots à son père, elle descendit dans le puits où étaient ses sœurs.

Les jeunes filles étaient donc en bas dans le puits et elles commencèrent à creuser un trou. Un jour, elles percèrent jusqu’à une ogresse borgne. Elle était en train de moudre de la farine, comme le virent les jeunes filles. La plus jeune lui vola de la farine pendant qu’elle la broyait et en donna à ses sœurs. L’ogresse, quoiqu’elle travaillât avec zèle, ne trouva pas de farine et dit :

— Qu’est-ce que cette chose étrange ?

Elle alla chercher un coq et le plaça dans un creux. La jeune fille allongea la main : le coq chanta.

L’ogresse la saisit, la tira à elle et lui demanda :

— As-tu une compagne avec toi ?

— Non, dit la jeune fille.

Alors elle servit l’ogresse. Celle-ci lui dit :

— Reste ici comme ma fille.

Elle demeura chez elle. Le mari de l’ogresse vint un jour et lui demanda :

— D’où vient celle-ci ?

— Dieu me l’a donnée pour être ma fille.

Quand elle préparait le souper, elle en donnait la moitié à l’ogresse et à son mari, et elle donnait l’autre moitié à ses sœurs qui se trouvaient dans ce souterrain.

Elle demeura trois ans à servir l’ogresse. Un jour arriva la fête des sorcières. L’ogresse dit à son mari :

— Conduis cette jeune fille dans la forêt ; égorge-la pour nous pour que nous en fassions le repas de fête.

Il la prit et l’emmena dans la forêt. En y arrivant, ils trouvèrent un haut palmier qui avait des dattes. La jeune fille dit à l’ogre :

— Monte et cueille-moi des dattes ; je vais ramasser du bois pour ma mère.

— Bon, répondit-il ; et il monta sur le palmier tandis que la jeune fille se dépêchait de ramasser du bois qu’elle entassa autour du palmier. L’ogre lui demanda :

— Pourquoi empiles-tu du bois autour du palmier ?

Elle lui répondit :

— Cueille-moi des dattes et ne t’inquiète de rien, tandis que je m’occupe.

Elle se mit à ramasser encore du bois et à l’empiler autour du palmier. Elle fit dix fagots et y mit le feu. L’ogre lui cria :

— Sauve-moi ; ce que tu voudras dans le monde, je te le donnerai.

Elle lui répondit :

— Je ne veux pas.

L’ogre descendit du palmier, arriva au milieu du feu et mourut.

La jeune fille s’en alla. L’ogresse lui demanda :

— Où est ton père ?

— Il est fatigué, mais il va venir.

L’autre reprit :

— Fais-moi monter sur ton dos et allons au-devant de lui.

Elle la fit monter sur son dos et partit avec elle. En marchant, elle rencontra un puits qui n’avait pas de fond et l’y jeta. Elle revint et tira ses sœurs de ce souterrain.

Les jeunes filles trouvèrent les biens et les richesses de cette ogresse et de son mari ; elles découvrirent aussi l’endroit par où ils sortaient vers le monde ; elles sortirent par là. Elles ne voulurent pas retourner chez leur père. Elles allèrent dans le village du qâdhi ; chacune d’elles se maria et toutes devinrent riches.

René Basset – Contes populaires d’Afrique

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