Les entourloupettes du chacal et de la perdrix

16 octobre 2015

Amachahou rebbi ats iselhou Ats ighzif anechth ousarou. 

(Ecoutez, que je vous conte une histoire, Dieu fasse qu’elle soit belle, longue et se déroule comme un long fil). 

L’amitié se gagne à l’épreuve. Voici d’après ce conte du terroir comment la perdrix est devenue l’amie du chacal. 

L’histoire se passe à l’époque où les animaux avaient le don de la parole. Un jour, la perdrix rencontre en forêt un chacal. Ils discutent de la pluie et du beau temps, puis changeant de conversation et voulant épater son nouveau compagnon, la perdrix lui dit : 

– Çdhçiyi negh ak Çedh çagh ! (Fais-moi rire ou laisse-moi te faire rire. A toi de choisir !) 

Le chacal, content de cette attention, lui répond : 

– Çedhçiyi a lalla Ezouar k’emini ! (Fais-moi rire en premier !) 

– Suis-moi et tu riras comme tu n’as jamais ri de ta vie». Ils trottinent quelques instants dans les champs, jusqu’à ce qu’ils trouvent deux paysans l’un en train de labourer et l’autre en train de lui parler. 

La perdrix se pose sur la tête du second homme en la voyant, le paysan s’arrête de labourer et demande à son compagnon de ne pas bouger. Il se saisit rapidement d’un « ag’elzim » (pioche) et sans trop réfléchir, l’élève au-dessus de sa tête et l’assène violemment sur la perdrix, mais cette dernière qui avait tout manigancé s’envole avant que la pioche ne l’atteigne. 

Fatalement, c’est l’homme qui reçoit le coup. Foudroyé, il tombe au sol raide mort. 

En voyant la scène qui se déroule sous ses yeux, le chacal se fend la rate. Il rit aux éclats. Il trouve le coup marrant. 

S’approchant de lui, elle lui dit : 

– A ton tour de me faire rire ! 

Ils cheminent ensemble jusqu’à ce qu’ils trouvent un piège à lièvre tendu dans la forêt. Le chacal pose une patte dessus et se fait attraper. 

La perdrix qui s’attendait à cette issue prend son envol, se perche sur une branche de chêne-liège et se met à rire à gorge déployée. 

Le chacal est effrayé. Sa peur est décuplée par les propos peu rassurants de la perdrix qui lui dit : 

– Vav tkhefets ad yas 

Tharoui fellak’ ay ouchen ! 

( Le propriétaire du piège va bientôt arriver, tu vas passer un mauvais quart d’heure je le sais !) mais je vais te sauver la vie. Dès que tu verras le piégeur arriver, fais le mort. Il sera déçu de la prise, mais comme les hommes ne mangent pas les chacals, il va te libérer». Et il en fut ainsi. 

Tremblant comme une feuille, il rejoint la perdrix qui ne pouvait pas se retenir de rire. Le rire de la perdrix étant communicatif, le chacal rit lui aussi de ses malheurs. 

Le chacal et la perdrix après toutes les émotions de la journée ont la fringale. Prenant l’initiative la perdrix lui dit : 

– Setchiyi negh ak setchagh ! 

(Fais-moi manger ou laisse-moi te faire manger !) 

Sautant sur l’occasion, le chacal lui répond : 

– Setchiyi mbaâd akm setchagh ! 

( Fais-moi manger d’abord, je te ferai manger ensuite !) 

En cours de route, les deux compagnons rencontrent une femme portant sur sa tête un énorme plat de couscous garni de viande destiné à sa fille parturiente. La perdrix décide de lui jouer un sale tour. 

Elle se met en travers de sa route et feint d’être blessée. 

En la voyant la femme se dit que la Providence lui a envoyé une perdrix blessée, facile à attraper. 

Pour être à l’aise, elle pose son plat sur le bord du chemin et s’avance précautionneusement vers la perdrix. Celle-ci avance sur ses pattes, une aile tendue. De temps en temps, elle se roule dans la poussière. Le cœur de la femme bat très fort, elle se baisse pour capturer la perdrix, mais elle lui échappe. Tandis qu’elle jouait la comédie, le chacal a tout avalé. Rassasié, le ventre bedonnant, il fait signe à la perdrix d’arrêter. 

Elle prend son envol dans un bruit assourdissant et vient rejoindre son compagnon. 

Déçue du tour que lui a joué la perdrix, la femme se tape les mains sur ses cuisses de dépit, et retourne pour reprendre son plat et constate les dégâts. Comme pour enfoncer le clou, le chacal qui se tenait non loin de là, lui dit en ricanant : 

– Tchigh tharzefth g-illi-m 

Ad’ irnou rebbi d’i chan im 

Sek’sou ilha ak’soum iboua 

Thaâlit’ ilouz’en tharroua 

(J’ai mangé la part de ta fille, tu es un cordon bleu, le couscous et la viande sont fameux, le ventre affamé est rassasié !) 

– Maintenant, comme convenu, c’est à toi de me procurer à manger, dit la perdrix au chacal. Ce que je préfère par-dessus tout ce sont les pois chiches (elh’amez’). 

– Tu as de la chance ma chère, « d’laouan b-azraâ » (C’est la saison des semailles). Chez les paysans on en trouve à profusion, allons tout de suite dans les champs ! 

Avisant un laboureur en train de semer des pois chiches, le chacal s’approche de lui, se saisit du sac et en renverse une partie et s’enfuit avec l’autre. 

Le voyant agir ainsi, le paysan se saisit de son aiguillon (anzel) et le poursuit pour lui faire lâcher prise. 

Profitant de la course-poursuite la perdrix s’installe devant les pois chiches éparpillés et se met à picorer jusqu’à satiété. 

Le ventre rempli, elle prend son envol et virevolte au-dessus du chacal pour lui signifier qu’elle s’était rassasiée. le chacal se dessaisit du sac à moitié rempli. Le paysans court ramasser les pois chiches tombés. A sa grande surprise, il ne trouve que les grains de pois-chiches avariés que la perdrix à dédaigné. 

Il se tape les mains de dépit. Dupé, il jure de se venger mais ce sera peut-être pour la prochaine fois, pour cette fois-ci, il doit retourner chez lui ramener la quantité perdue. 

Depuis ce jour, le chacal et la perdrix sont devenus des amis. 

« Our kefount ethhoudjay inou 

Our kefount irden tsemzine. As n-elaïd anetch aksoum tsh’emzine ama ng’a thiouanzizine. » 

(Mes contes ne se terminent comme ne se terminent le blé et l’orge. Le jour de l’Aïd, nous mangerons de la viande et des pâtes, jusqu’à avoir des pommettes rouges et saillantes). 

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