Negligence Fatale (la brebis et ces agneaux)

16 octobre 2015

Amachahou rebbi ats iselhou ats ighzif anechth ousarou. (Que je vous conte une histoire. Dieu fasse qu’elle soit belle, longue et se déroule comme un long fil).

Toutes les mères du monde conseillent à leurs enfants d’être très prudents vis-à-vis des inconnus, mais il arrive parfois que malgré les recommandations, les enfants sont abusés. C’est un conte du terroir entrant dans le domaine que nous allons vous raconter.

Il était une fois à l’époque où les animaux avaient le don de la parole, une brebis qui avait mis au monde « sin izamaren » (deux agneaux). Pour les éloigner de tout danger, elle élut domicile dans une grotte naturelle se trouvant à flanc de montagne.

Pour qu’ils grandissent vite, elle leur donne à téter son lait plusieurs fois dans la journée. Mais pour qu’elle ait du lait il lui faut brouter l’herbe drue des près. Comme ses agneaux étaient très petits, elle les enferme dans la grotte pour les empêcher de sortir et se faire dévorer par les prédateurs, comme le chacal, qui est friand de viande d’agneaux qu’il adore par-dessus tout.

Pour leur éviter tout ennui, avant de sortir de la grotte, elle leur dit : – “N’ouvrez à personne sauf à moi ! N’ouvrez que lorsque vous entendez ces mots : Thamaz’ag’th g’er thqejirine thaffa g’er thachiouine !

(Le pis rempli de lait entre les pieds, la gerbe d’herbe sur les cornes portée !). Vous avez bien compris, les petits ?

– Oui, maman, nous n’ouvrirons à personne autre que toi !

Contente, la brebis laisse ses petits et s’en va dans les champs brouter l’herbe fraîche afin de donner plus de lait. Une fois rassasiée elle se met dans un coin et rumine l’herbe ingurgitée. Une fois l’opération terminée, elle met un peu d’herbe sur ses cornes et le ramène à ses petits pour leur apprendre à manger des aliments solides. Très méfiante, la brebis utilise des chemins détournés pour rentrer chez elle. Elle a très peur d’être suivie. Quand elle arrive devant la grotte, elle tape à la porte et dit :

-Thamaz’ag’th g’er thqejirine Thaffa g’er thachiouine Aussitôt, les agneaux lui ouvrent la porte calée de l’intérieur. Et il en fut ainsi durant plusieurs jours, mais ne voilà-t-il pas qu’un jour, un chacal qui cherchait aventure, remarqua la brebis. Il voulait se faire la dent dessus, mais méfiante comme le sont toutes les mères qui élèvent des petits, dès qu’elle sent l’odeur du chacal, elle se cache à sa vue. Cela lui réussit quelques temps, mais le chacal affamé n’en démord pas. Toutes les ruses qu’elle emploie sont éventées. Le chacal a repéré son gîte. Quelle aubaine pour lui ! Bientôt il va tous les dévorer, il va d’abord commencer par les petits.

Il fait le guet devant la porte de la grotte, caché et tapi dans les fourrés, il est aux aguets. Quelques heures plus tard la porte de la grotte s’ouvre et par chance, le chacal entend distinctement le mot de passe que la brebis ne cesse de ressasser à ses petits.

-Thamaz’ag’th g’er thqeririne Thaffa g’er thachiouine !

Dès que la brebis s’éloigne, il attend quelques instants et se présente devant la porte. Il essaye d’imiter la voix de la brebis. La voix contrefaite ne ressemblant pas à celle de leur* mère, les petits n’ouvrent pas. Dépité, il change plusieurs fois de voix, mais n’arrive pas à se faire ouvrir la porte. Fortement déçu, il retourne dans sa tanière pour réfléchir. N’arrivant pas à trouver le moyen de déguster les petits, il se rend chez « settoute » la sorcière, qui lui dit :

– D’ayen isahlen ouagui Ak’ ouarigh amek’ atstchedh yhikhssi ! (C’est une chose facile, je vais te montrer comment procéder pour dévorer la brebis !).

– Tu vas enduire ta gorge de miel, tu te mettras à proximité d’une ruche d’abeilles. Tu t’allongeras, la gueule ouverte, les abeilles butineront le miel et arracheront la graisse qui se trouve dans ton gosier. Après deux séances ta voix deviendra aussi fluette que celle de la brebis, foi de settoute !

Nanti d’une nouvelle voix, le chacal se rend à la grotte et attend que la brebis sorte pour tenter sa chance. Il prononce la formule convenue. Abusés les agneaux ouvrent la porte. Imprudence fatale ! Le chacal leur saute dessus, en un clin d’œil, il les dévorent.

Rassasié, il se rend dans sa tanière pour bien digérer et piquer un somme bien mérité. En arrivant chez elle, le pis bien rempli et les cornes garnies d’herbe tendre à souhait. Elle trouve la porte de son gîte ouverte, et point de petits. Elle ne comprend que trop bien ce que cela veut dire, les restes de ses petits jonchent encore le sol.

Elle se met à pleurer et maudit le chacal son ennemi. Son odeur caractéristique ne fait aucun doute. Elle demeure prostrée durant quelques heures et réfléchit au moyen de se venger du carnassier. D’instinct, elle sait que dès qu’il aura faim, il reviendra à la grotte pour la dévorer. Elle se prépare à riposter. Elle ramène des gerbes d’herbe qu’elle installe au-dessus de la grotte, et attend patiemment que le chacal se manifeste.

Deux jours après, revoilà le chacal. Pensant trouver la brebis endormie dans la grotte, il rentre sans méfiance pour la surprendre en plein sommeil. Mal lui en prit. Dès qu’il s’engouffre, la brebis se précipite referme la porte sur lui et fait tomber les gerbes d’herbe entassées devant la devanture de la porte. Fait prisonnier, la brebis va voir un berger et lui dit qu’elle avait piégé le chacal, qui lui dévore ses moutons et qui lui a dévoré ses petits. Heureux à l’annonce de cette nouvelle, le berger armé d’une massue (adebouz) se rend à la grotte accompagné de la brebis. Il déblaye l’entrée. Dès que le chacal montre son museau, il lui assène un violent coup sur la tête, qui se fracasse en mille morceaux. Malgré son chagrin, la brebis est contente, elle a vengé la mort de ses agneaux.

 »Our kefount ethhoudjay inou Our kefoun irden tsemzine. As n-elaïd anetch aksoum tsh’emzine ama ng’a thiouanzizine. » (Mes contes ne se terminent comme ne se terminent le blé et l’orge. Le jour de l’aïd, nous mangerons de la viande et des pâtes, jusqu’à avoir des pommettes rouges et saillantes).

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