Le lion victime d’un mauvais tour

16 octobre 2015

Amachahou rebbi ats iselhou Ats ighzif anechth ousarou.(Ecoutez, que je vous conte une histoire, Dieu fasse qu’elle soit belle, longue et se déroule comme un long fil).

Se sortir d’une affaire dans laquelle on s’est empêtré n’est souvent pas chose aisée. Voici la ruse employée par Si Mh’amed, (dénomination familière du chacal) pour se sortir presque indemne d’une affaire qui aurait pu lui coûter la vie, d’après ce conte du terroir.

Au commencement du monde, les animaux avaient le don de la parole et communiquaient entre eux.

Toutes les espèces avaient leur langage propre et avaient un langage commun sorte de langue inter-espèces.

C’est à cette époque farouche que le lion grâce à sa férocité et à sa combativité fut proclamé roi des animaux (ag’ellid igharsiouène negh n-elmal).

Mais ce titre gagné de haute lutte est jalousé par beaucoup d’autres qui ne voient pas d’une bon œil l’hégémonie du fauve.

Etre roi signifie des avantages exorbitants et des pouvoirs immenses. Beaucoup d’opposants rêvent de lui faire la peau. Mais une fois intronisé, le lion devient difficile d’accès. Il est super protégé. Parmi les opposants il y a le chacal, (Si Mh’amed) pour les intimes.

Si Mh’amed ne porte pas dans son cœur la gent féline. Il déteste tous les lions de la création. Il y a de quoi. Tous les lions grands ou petits devenus par la force des choses membres de la famille royale méprisent et dévorent toutes les autres espèces, sans craindre le moindre châtiment.

C’est l’ordre établi. Tous les lions sont là pour le faire respecter. Gare aux égarés.

Un jour, dans la forêt, un lion qui poursuivait une gazelle saute sur elle pour l’attraper. Il rate son coup et tombe sur des épines d’acacias (lalbane) bien blanches, bien sèches et bien acérées. Elles se fichent dans ses pattes. Il commence à gémir de douleurs. Entendant ces gémissements, le chacal qui passait par là, vient s’enquérir de ce qui était arrivé. Voyant le lion avec les épines dans les pattes, il se dit que le moment est arrivé de se venger et de se moquer bien comme il faut d’un membre de la famille régnante.

Sous l’effet de la chaleur et du soleil, le lion ressent des douleurs lancinantes aux pattes. Les lanières trop serrées creusent des sillons et font boursouffler les chairs. Le chacal qui avait prémédité le coup et qui s’attendait à de tels résultats s’était caché dans la forêt.

Suprême injure, il envoie au lion meurtri des émissaires pour s’enquérir de son état.

Ils arrivent de partout dans sa tanière, les uns par flatterie, d’autres pour savourer ces instant uniques où le lion pleure comme un enfant.

Au fur et à mesure que les jours passent, le lion ne peut plus bouger. Il sent les ailes de la mort l’effleurer. Il n’a qu’un seul souhait, étriper le chacal qui s’est joué de lui. Il supplie ses congénères et ceux qui prétendent être ses amis, de lui trouver un remède pour ses pieds. Des charlatans proposent des remèdes, les uns plus farfelus que les autres. Mais le lion veut du concret, quelque chose qui le soulage sur le champ et non pas dans des mois.

Certains qui se prétendent guérisseurs tentent de dénouer les lanières, mais dès qu’ils mettent la main dessus, le lion pousse des cris de douleur. Il refuse qu’on touche à ses pattes. Vaut mieux rester ainsi, qu’augmenter ses douleurs.

Un jour, il reçoit la visite d’une perdrix. Le voyant dans un piteux état, prise de compassion pour ce lion, jadis la terreur de la forêt, elle lui promet de mettre fin à ses douleurs et sur le champ.

Le lion n’en croit pas ses yeux.

– Si tu me fais cela, je te serai éternellement reconnaissant !

– Je vais essayer majesté, tu vas être étonné du résultat !

La perdrix prend son envol et se rend dans une mare (tamda). Elle plonge dans l’onde pure, s’imbibe le dessus des ailes, remplit son bec d’eau et revient à la tanière du lion. Elle verse des gouttelettes sur le cuir séché. Après quelques allers et retours, les lanières gorgées d’eau se distendent et s’assouplissent.

La perdrix les dénouent avec son bec. Le lion est enfin libéré de ses carcans de cuir. Pour remercier la perdrix de son exploit, il lui dit :

– Fkigh am chouia s-ilhiva inou athine isilek’en idharen inou ! (Je vais te donner un peu de la peur que j’inspire, à toi qui as sauvé mes pattes de leur prison de cuir).

C’est depuis ce jour que le vol fracassant des perdrix fait peur à celui qui est surpris.

Après quelques jours de repos, remis sur ses pattes, le lion se met à la recherche du chacal qui lui a joué le mauvais tour.

Le rencontrant face-à-face au détour d’un chemin, le chacal fait aussitôt volte-face. Le lion bondit dessus, mais ne réussit qu’a lui arracher un bout de sa queue.

(Thatah’limthe is ou tharat’iouthe is)

Malgré son échec du moment, le lion est très content. Avec ce bout de queue arrachée, il lui sera facile de trouver le chacal à la queue tronquée. Si le lion jubile, il n’en est pas de même du chacal dont la vie est désormais en danger.

Pour resserrer l’étau sur lui, le lion convoque tous les chacals de la contrée à se présenter devant sa tanière. En apprenant la terrible nouvelle, le chacal est dans tous ses états. Il sait ce que cela signifie : Sa mort programmée. Mais le chacal ayant plus d’un tour dans son sac, réfléchit au moyen d ‘échapper au terrible fauve, qui veut lui faire payer au centuple, le mauvais tour qu’il lui a joué.

Avant le jour fatidique, il rassemble ses congénères et leur dit :

– Le lion est malade, son guérisseur attitré lui a prescrit des chacals à longues queues. Si vous ne voulez pas lui servir de repas, faites comme moi, coupez vos queues ! C’est la seule manière d’échapper à ses crocs,vous êtes avertis ! A bon entendeur, salut !

Les chacals apeurés imitent le chacal à la queue tronquée.

Le lendemain, en se présentant devant le lion avec les queues coupées, il lui fut impossible de distinguer le chacal qui lui a joué le sale tour.

Ne pouvant accuser aucun chacal sans se tromper, il les relâche tous au bénéfice du doute.

« Our kefount ethhoudjay inou Our kefoun irden tsemzine. As n-elaïd anetch aksoum tsh’emzine ama ng’a thiouanzizine. » (Mes contes ne se terminent comme ne se terminent le blé et l’orge. Le jour de l’aïd, nous mangerons de la viande et des pâtes, jusqu’à avoir des pommettes rouges et saillantes).

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